Par Florence Vancoillie.

Méditation lors du Sommet Européen Vitalité 2019

1 Samuel 17

Parfois, le projet missionnaire peut ressembler à une montagne gigantesque…

Comment devenir une Église saine et missionnaire ? En particulier quand on est déjà dans une autre dynamique ! En tant que pasteur d’une Église stable, je suis parfois découragée. Le processus semble plus long que je ne le pensais, il requiert des compétences et du discernement que nous n’avons pas encore (évidemment ! Si nous étions déjà sains et missionnaires, nous n’aurions pas tant besoin de ce parcours !), et la résistance rencontrée peut nous paraître insurmontable.

Mais ce projet n’est pas le seul géant de notre vie : en tant que pasteurs, nous rencontrons des défis que nous n’avions pas anticipés en entrant à la fac ! Et en tant que chrétiens, en tant que personnes, nous sommes confrontés à nos limites : notre péché, nos échecs, notre fragilité. Parfois nous en avons honte, parfois nous sommes juste frustrés. Et même dans les rares moments où nous sommes au clair sur ce que nous sommes, et en paix à ce sujet, la question demeure : suis-je la bonne personne pour ce rôle ? Pour cette Église ? Pour cette situation ? Parfois, c’est juste trop !

Un de nos ancêtres dans la foi, David, a rencontré un vrai géant, en chair et en os – Goliath. Et il a remporté la victoire – quel encouragement ! J’aimerais me concentrer simplement sur quelques uns des points qui l’ont mené à la victoire, racontés dans 1 Samuel 17.

Quelques mots sur le contexte : l’armée du roi Saül est en guerre contre les Philistins. Les ennemis ont un sérieux atout: un bon gros géant, fort, agressif et bien équipé. Il provoque Israël depuis quarante jours, mais il est tellement impressionnant que personne ne veut l’affronter, bien que le roi ait promis une jolie recompense au soldat courageux qui relèverait le défi. Arrive David, pour des raisons professionnelles. Interpelé par la situation, il offre son aide, lui, un jeune anonyme amateur, inconnu, mais bon, le seul à se proposer.

1. Laisser tomber les armures des autres (17.37-39)

« Vas-y donc, répondit Saül, et que le Seigneur soit avec toi. »

Saül prêta son équipement militaire à David : il lui mit son casque de bronze sur la tête et le revêtit de sa cuirasse. David fixa encore l’épée de Saül par-dessus la cuirasse, puis il essaya d’avancer, mais il en fut incapable, car il n’était pas entraîné. Alors il déclara qu’il ne pouvait pas marcher avec cet équipement, sans entraînement, et il s’en débarrassa. 

David commence par endosser l’armure de Saül. A première vue, c’est une bonne idée ! Une belle armure, solide, résistante – quoi de plus pertinent quand on s’apprête à affronter un monstre gigantesque ?

Mais l’armure ne convient pas, c’est même plutôt un obstacle. Elle est trop grosse, trop lourde, trop raide. David ne peut pas bouger ! S’il ne peut pas marcher, comment pourrait-il vaincre ?

J’aime le fait que la Bible nous raconte cet essai. J’ai l’impression que c’est une tentation récurrente que de vouloir endosser les armures des autres, des armures qui ne nous vont pas forcément. Quand on regarde d’autres personnes, pasteurs, Églises… Quand on regarde leurs points forts, leurs réussites, leurs performances… Les conférences ou les pastorales peuvent être sources d’anxiété parfois : par anticipation, nous grinçons des dents à l’idée de voir tel pasteur, d’une église très dynamique… Nous comparons : combien de baptêmes cette année ? Combien de personnes au culte ? Et, très sournoisement, derrière les bonnes intentions de nos questions, derrière notre désir de voir toutes les Églises grandir, ça peut devenir personnel : comment y arrive-t-il, lui, et pas moi ?

Alors nous essayons d’endosser leurs armures : nous lançons les mêmes séries, les mêmes formations, nous copions le style de louange… Combien de livres sont vendus avec la recette magique pour l’Église, le ministère, les leaders, mais aussi pour le mariage, la famille, le développement personnel ?…  

Pour moi, un des meilleurs apports du Parcours Vitalité, c’est qu’il ne fournit pas un modèle. Il ne dit pas : il faut que vous soyez une méga-church, ou que vous travailliez avec la municipalité, ou que vous fassiez du discipulat un-à-un. C’est au-dessus des modes et des recettes. Quand j’étais étudiante en théologie, à un moment, je me suis demandé si je pouvais vraiment être pasteur vu que je ne jouais pas de la guitare et que je ne savais pas animer des grands jeux… Tous ces modèles sont bons en eux-mêmes, et c’est bien de les tester, mais parfois ils ne conviennent pas à la réalité locale, car ils sont trop éloignés de ce que vous êtes en tant qu’Église, pasteur ou personne. Dans ce cas-là, se cramponner à ces armures à tout prix, c’est comme vivre la vie d’un autre, et ça n’aidera ni vous ni votre église.

Alors, que fait David ensuite ?

2. David choisit 5 pierres (17.40)

Il prit son bâton et alla choisir cinq pierres bien lisses au bord du torrent ; il les mit dans son sac de berger, sa besace, puis, la fronde à la main, il se dirigea vers Goliath. 

David est un berger, comme vous le savez. Parfois, on oppose la force de Saül aux manières dépouillées de David, car Saül s’appuie sur son armure alors que David paraît nu en comparaison. Et je trouve en effet que la simplicité de ces cinq pierres est très inspirante. Cela dit, en réalité, David donne ici le meilleur de lui-même : en tant que berger, il utilisait des pierres pour tuer des ours, des animaux féroces, pour protéger son troupeau (c’est ce qu’il explique v.34-37). David choisit ces cinq pierres avec beaucoup de soin, pour qu’elles soient vraiment adaptées. Ces pierres n’évoquent donc pas tant la simplicité que le fait d’utiliser ses propres forces et ses propres talents. David sait ce qui lui conviendra le mieux pour se battre, il choisit ce qui lui va – et ainsi, la bataille sera plus sûre et plus rapide. Ce n’est ni meilleur ni pire que la stratégie de Saül, c’est juste adapté à ce qu’il est.

Quelles sont vos forces ? En tant qu’Église, que responsable, que personne ? Quel est votre profil ? Si vous ne savez pas, peut-être qu’il serait intéressant de creuser un peu plus le sujet…

Il y a environ deux ans, en janvier 2018, lors d’une rencontre à Lyon, Tim Keener a cité un proverbe qui m’a beaucoup marqué : Sois toi-même, tous les autres sont pris. Sois toi-même, tous les autres sont pris. Je sais qu’on sait 😉. Mais parfois nous sommes tellement frustrés de nos limites que la petite chanson revient : tu devrais être comme lui, tu devrais faire comme elle… Ou bien, en tant qu’accompagnant d’Église locale : cette Église devrait faire ci ou ça… Et peut-être que parfois, nous avons juste besoin de nous rappeler que ce qui convient n’est pas forcément impressionnant ou à la hauteur des armures des autres – ça doit juste être adapté à ce qu’on vit.

David under God’s name / sous le nom de Dieu (17.45-46a)

« Toi, répondit David, tu viens contre moi avec une épée, une lance et un sabre ; moi, je viens armé du nom du Seigneur de l’univers, le Dieu des troupes d’Israël, que tu as insulté ! Aujourd’hui même, le Seigneur te livrera en mon pouvoir. »

David utilise ses talents et non pas ceux de Saül. Première leçon. Mais la deuxième leçon, c’est que David s’appuie d’abord sur Dieu (cf. v.37). Quand il répond à Goliath, Dieu est présenté comme son seul espoir. Même avec une stratégie réfléchie et adéquate, David met Dieu au premier plan.

Et les deux ne s’excluent pas, bien au contraire. Dans l’exemple de David, on voit un homme qui utilise pleinement ses forces, mais qui se laisse aussi pleinement diriger et fortifier par Dieu. David montre ici une consécration profonde (il se donne à fond, il se met en danger) mais aussi une profonde confiance en Dieu, pleine d’humilité. Et peut-être que c’est le seul chemin : compter toujours plus sur Dieu, laisser sa grâce déferler en nous par le Christ, comprendre que Dieu est l’acteur principal – cela nous rendra libres de nous engager à fond, tels que nous sommes. Pas comme des personnes meilleures que les autres, mais comme les porteurs uniques et divers de la vocation qu’il nous adresse.

Donc ! Alors que nous grandissons en maturité spirituelle, que nous dirigeons nos Églises, que nous accompagnons d’autres Églises, enracinons-nous dans la vérité et dans la puissance de Dieu. Discernons, dans la prière, de quelles façons Dieu est à l’œuvre, là, devant nous. Grandissons en patience et en humilité – vis-à-vis de nous et des autres, en nous donnant à fond, et en comptant sur Dieu, le tout-puissant et le tout-excellent !

Florence Vancoillie, pasteur à Toulouse, présidente du département Revitalisation de l’UEEL